La Cie Théâtre en Question

 

présente

dans le cadre du Festival Bertolt Brecht 1998

 

 

ANTIGONE

Matériau Berlin 1945

Textes de Bertolt Brecht et Heiner Müller

mise en scène

Stéphane Arnoux


 

 

Textes extraits de

L'Antigone de Sophocle, de Bertolt Brecht, L'Arche

Fatzer, fragment, de Bertolt Brecht, L'Arche

La Nuit des Longs Couteaux,

Ouverture Russe,

Mauser, de Heiner Muller, Les Editions de Minuit

 

Traductions de Maurice Régnault, Jean Jourdheuil et François Rey

 

Avec

Stéphane Arnoux : Tiresias, un choeur, un soldat, un allemand

Nicolas Dulac : Hémon, Mauser, Fatzer, un SS, un soldat

Marylise Dumont : Antigone

Sophie Jayez : le comédien

Danièla Labbé : une danseuse, une fille

Damien Pottier : Créon

Jeanne Rochette : une danseuse, une fille (en alternance)

Emilie Sitzia : la servante, un garde, la chanteuse

Guillaume Vincenot : le garde, le messager, prologue, un soldat, un SS

Assistante à la mise en scène:Claire Frémont

Scénographie, Lumières:Stéphane Arnoux

Décor grec: Natacha d'Antin

Dessins, peintures: Antoine Jayez

Costumes: Maryline Souloy

Maquillages: Marc Schoebel

Musique: TheQ, Kurt Weil

 

 

Production

Cie Théâtre en Question, festival B.Brecht 1998

 

Avec le soutien de

Université Paris X Nanterre,

Département Arts du spectacle, Délégation aux Affaires Culturelles

DRAC Ile de France

Goethe Institut

Ville de Nanterre

Théâtre Nanterre-Amandiers


" Mais moi je vous appelle: aidez-moi dans ma détresse,

C'est à vous-même que vous viendrez en aide.

L'homme assoiffé de pouvoir boit de l'eau salée:

Il ne peut s'arrêter, il lui faut boire encore.

Hier c'était mon frère, aujourd'hui c'est moi."

ANTIGONE

 

J'ai enfreins ton décret

Parce qu'il était le tien, celui d'un mortel.

Un mortel peut l'enfreindre,

Et je suis simplement un peu plus mortelle que toi. (...)

Mais s'il te semble que j'ai perdu le sens

De craindre la colère des dieux et non la tienne,

Qu'un insensé soit maintenant mon juge."

ANTIGONE


CALENDRIER

 

Première : le 17 février 1998, Théâtre B.M.Koltès, Nanterre

 

Représentations

du 26 au 28 février : Théâtre B.M.Koltès, Nanterre

le 10 avril : Théâtre Nanterre-Amandiers

le 29 avril : Goethe Institut, Paris

le 14 mai : Festival de Théâtre Universitaire, Orsay

les 2,3,4,5 juin : Festival B.Brecht, Nanterre

juin : tournée en Ile-de-France


ANTIGONE, DE SOPHOCLE A BRECHT

 

Le texte du spectacle est l'adaptation par Brecht de la traduction d'Hölderlin de l'Antigone de Sophocle; il est disponible dans le septième volume du Théâtre complet de Bertolt Brecht édité chez l'Arche dans la traduction de Maurice Regnault. *

Quand Bertolt Brecht décide en 1948 d'adapter la pièce de Sophocle et de proposer un modèle de mise en scène, il en est à l'étape suisse de son retour d'exil et s'installera un an plus tard au Deutches Theater pour fonder avec Hélène Weigel le Berliner Ensemble. Loin d'être un texte fondateur, et bien que Brecht s'en défende, la pièce se propose alors d'interroger la responsabilité du peuple allemand dans l'avènement d'Hitler, son silence devant l'horreur concentrationnaire : comme Polynice, les juifs sont laissés sans sépulture et le tyran de l'ère nouvelle a précipité l'allemagne et le monde dans une terreur nouvelle. Le dramaturge et metteur en scène, qui avait quitté sa patrie dans les premiers moments de l'histoire du nazisme, invite ses contemporains à célébrer la résistance à travers un de ses mythes fondateurs : Antigone.

 

Peu différente de Sophocle à Brecht, cette nouvelle version contient toujours la construction dramatique de l'oeuvre originale, mais tend à souligner des problématiques contemporaines : Brecht n'entend pas construire une métaphore de l'Histoire récente, mais regarde ce que Michel Onfray appelle "le principe d'Antigone"*, c'est à dire la nécessaire réminiscence des insoumissions, des résistances qui ont modifié la place de l'homme dans son rapport au pouvoir. Chez Brecht, le nazisme est la forme la plus aboutie du processus capitaliste : la necessité de l'économie de guerre, la volonté de conquète, la soumission du peuple opérée par un pouvoir unique aux intérêts douteux...; voilà aussi de quoi traite Antigone. Alors la nouvelle écriture souligne la tyrannie de Créon, la responsabilité du choeur des Anciens, le martyre de l'insoumise habillée du manteau des intérêts divins. Brecht veut faire une oeuvre de mémoire et propose un modèle.

 

Le modèle de 1948 entend proposer, à partir d'une lecture nouvelle de la pièce de Sophocle, une reconstruction des moyens du théâtre à l'heure des nécessaires prises de conscience. Pour cela, il nous invite à découvrir ce texte antique dans ce qu'il contient de naturelles distanciations par l'éloignement historique, par les coupures pour le choeur; il nous invite à voir ce modèle ancien de théâtre épique dans une perspective progressiste pour un théâtre de l'ère nouvelle. Les thèmes de la pièce ne renvoient directement à aucune fable contemporaine, mais ceux-ci entrent en résonnance avec toute récente problématique du pouvoir, de l'insoumission, de la résistance. Brecht interroge ainsi les mécanismes récurrents qui impliquent notre responsabilité dans l'avènement destructeur de nouvelles politiques et qui nous engagent à une constante attention : ceci doit aujourd'hui nous parler encore de Brecht, de nos sociétés en crise, de notre devoir de citoyens devant la nécessaire amélioration d'un monde libre qui s'apprète à traverser un millénaire nouveau. Etrangement, un poème vieux de deux-mille ans peut encore toucher les cordes sensibles d'un théâtre engagé dans les bouleversements de la modernité.

 

*1 Le choeur de la pièce est constitué de matériaux textuels de Heiner Müller issus de la Bataille, Mauser, et Germania III, traduits par Jean Jourdheuil.

*2 Michel Onfray, Politique du rebelle, Traité de résistance et d'insoumission.

 


LA PIECE

 

La jeune Antigone, fille d'Oedipe, refuse de baisser la nuque devant les ordres du tyran Créon : elle verse de la poussière sur le corps de son frère Polynice que le pouvoir a laissé sans sépulture, elle accepte que tombe sur elle la sentance de mort.

La guerre que Thèbes mène contre Argos n'est pas terminée, il s'y perpétue de nombreux massacres contre les déserteurs et les traîtres. C'est une guerre pour la conquète des richesses et des pouvoirs que Polynice a fuit, la guerre d'un chef que la cité approuve, un chef ébranlé et rendu plus tyranique encore par les invectives du sort : parce qu'il a ordonné la mort de ses propres soldats, peu restent à se battre, peu restent vivants, et la victoire n'est plus assurée. Pourtant, Créon proclame partout la fin des batailles et le retour des guerriers, il annonce l'ouverture des festivités.

Des charniers monte une odeur inquiétante, la mort offerte nue à la cité crie l'insolence du tyran, et Antigone, la fiancée de son fils, par son insoumission et sa révolte menace en marchant vers la mort les portes du palais. Le mensonge ne peut plus tenir, la cité attend les comptes : Créon ne peut plus que renoncer ou user de la force.

Alors on reçoit des nouvelles du front, on apprend que les chars ne reviendront jamais chargés des enfants de Thèbes et de l'or d'Argos : la guerre est perdue. Tous sont restés sourds aux appels d'Antigone, tous se sont tus et ont laissé s'étendre la violence; la cité est perdue par les pères de la cité et les colonnes de la victoire dressées en hate loin du champs de bataille s'écroulent en un funeste avertissement. Rien n'est venu s'interposer devant la fureur du tyran, tous ont accepté en un pesant silence et vont périr de leur silence par peur de périr de leur potentielle révolte.

 

La pièce interroge "le rôle de la violence dans la désagrégation de la tête de l'Etat", la responsabilité du choeur de la cité dans la logique de guerre du tyran, et la question de l'insoumission civique comme principe de résistance devant l'aveuglement du pouvoir. Ceci n'est pas sans évoquer des angoisses contemporaines, des crises récentes. La pièce fouille des histoires récurrentes du monde et nous livre une expression de ce danger qui peut, aujourd'hui et chez nous, survenir et nous frapper. Elle ne parle pas plus des femmes en Algérie, de Sarajevo, des sans-papiers en France que de l'horreur nazie, mais par la récurrence des moyens, elle nous y fait penser. La figure d'Antigone constitue alors un modèle d'insoumission dont il semble essentiel de se souvenir.

 

"Et maintenant,

Vous allez nous voir, nous les acteurs

Entrer l'un après l'autre dans l'aire de jeu

Où autrefois, sous les crânes des bêtes

Sacrifiées aux cultes barbares, l'humanité

Dans la nuit des temps s'est levée,

Droite et grande."

 


NOTE DE MISE EN SCENE

 

La fable, ancienne par sa construction et son propos, devait être traitée en tant que mythe fondateur, elle devait donc être présentée avec la distance historique. J'ai alors choisi d'habiller les acteurs de costumes d'allure antique dans un décor qui représente l'essence du forum grec. Un praticable, posé au centre de la scène devant deux colonnes qui forment en trois ouvertures les trois portes de la skéné, fait un espace réservé de Créon, d'où il peut chasser celui qui oserait avancer trop dans les affaires du tyran.

L'espace laissé libre semble ainsi se restreindre peu à peu autour du roi et de ses mensonges lorsque viennent successivement les membres de la cité, avec des nouvelles alarmantes, faire trembler l'instable promontoire. Les menaces de la sauvage insoumise résonnent entre les colonnes de la victoire devant le peuple resté muet en face d'un pouvoir cruel et incompétent. On entend au loin les hymnes de la ronde de Bacchus alors que le devin Tirésisas vient sur le forum annoncer la terrible prophétie, quand Antigone est amenée au creux du roc pour mourir de sa mission divine. L'hybris est commis, la fin et proche et la cité qui a laissé le mort sans sépulture s'apprète à accueillir la mort entre ses murs : on entend venir l'ennemi vainqueur des champs d'Argos après que le peu des guerriers de Thèbes épargnés par les purges du tyran revient les mains vides et le ventre percé.

Le spectacle illustre alors, à l'aide de projections et d'une bande son épique la responsabilité du peuple devant les excès du tyran, évoque des résonnances contemporaines à ce poème antique. Antigone appelle à la résistance civique dans l'expression intense de sa liberté trouvée dans la mort.



ANTIGONE Matériau Berlin 1945

 

Mesdames, Messieurs

Avec vous sont assis des soldats qui ne vous ressemblent pas

Ils parlent de leur guerre

Elle ne ressemble pas aux votres

 

Devant vos yeux, on ne vous représente pas

Des acteurs racontent un drame antique

Un drame en toge

Il y est question d'une guerre antique

Ce n'est ni leur guerre ni la vôtre

 

A l'entracte, vous allez entendre chanter

Vous pourrez vous régaler d'un cigare

Devant un rideau du plus bel effet

En langue allemande

Un anniversaire

 

Sur scène, une insoumise de sang royal

Appellera votre insoumission

Ce ne sera peut-être pas la votre, mais la leur

Un combat mené contre un tyran

Il n'y sera pas question de Marxistes

 

Ce n'est pas exactement un spectacle de marionnettes

 

Vous êtes assis devant un décor

L'envers du décor

Des soldats sont parmis vous

Ils ne sont pas soldats

Ce ne sont pas vos soldats

Ils font une autre révolution

Ce sont nos acteurs

Ils connaissent la fin

 

Il est question d'un état de guerre

Un meurte a été commis

Pour la guerre, un crime d'Etat

Un mort sans sépulture

 

C'est dans notre programme

 

Nous sommes heureux de vous représenter

Le spectacle réjouissant de la contagieuse révolte d'Antigone la sauvage

Sur notre plateau

 


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L'album

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